Textes puisés sur le site des Ours (cf
rubrique liens)
Ce qu'ils en disent
ATTENTION ! DÉVOILE CERTAINS ASPECTS
DE L'INTRIGUE
Impressionnant, riche et dense, les racines du
mal est un mariage réussi entre la
science-fiction et le policier. Une histoire
policière dans un contexte SF, un histoire
portée par la double trame de
l'évolution d'une machine intelligente issue
des travaux les plus récents sur les
sciences cognitives, d'une part, et par la
découverte et la chasse d'un réseau
de meurtriers organisés et terrifiants,
d'autre part.
Les cent premières pages racontent, VU DE
L'INTERIEUR, le monde auquel est confronté
un tueur psychopathe et pitoyable. Etant l'un des
derniers à leur avoir échappé,
il SAIT que presque tous les humains ont
été décervelés par les
extra-terrestres qui le pourchassent. Il risque
donc sa vie chaque fois qu'il met un pied dehors,
malgré la protection de son bonnet
imprégné des ondes
bénéfiques de la
télévision, et celle du sang animal
qu'il ingurgite par litres. Et s'il doit tuer,
souvent, et de manière imprévisible,
c'est parce que toute personne qui s'approche de
lui peut être un extra-terrestre
désireux de le "recruter". Fascinant. Rares
sont les auteurs capables de nous faire suivre un
récit avec la double perception si
dissociée de ce que raconte le narrateur et
de ce qu'on perçoit des
événements au travers de son
récit. Ou alors, quand ils s'y hasardent,
ils choisissent habituellement un personnage peu
intelligent, ou un enfant, et créent la
distanciation en racontant avec une voix
naïve. Le héros de Dantec est
très intelligent, quant au style de
l'auteur, il est remarquable de clarté,
précision, élégance. Le choc
n'en est que plus brutal.
Puis le tueur est capturé, et l'on change
de point de vue. Le héros est un cogniticien
qui a travaillé sur un modèle
d'ordinateur (la neuroprogrammatrice) capable,
à partir d'un certain nombres de postulats
originaux, de "donner du sens" à
l'évolution biologique. Ce qui permet entre
autres choses, à partir d'un maximum de
données recueillies sur un individu
(enregistrement de ses récits,
témoignages etc.), de "reconstruire" une
image de sa personnalité. Et de distinguer
ainsi ce qui est plausible comme action de sa part
de ce qui ne l'est pas. (Le malheureux psychopathe
a partiellement perdu la mémoire de ses
actes chaotiques). La neuroprogrammatrice
détecte ainsi un certain nombre de meurtres
qui "ne collent pas" avec le schéma general
et sont probablement l'oeuvre d'autres tueurs. Ces
autres tueurs sont infiniment plus redoutables,
intelligents et organisés. La
neuroprogrammatrice devra évoluer. Elle
passe à un niveau chaotique supérieur
en combinant sa propre personnalité de base
(calquée sur celle du cogniticien) avec
celle du premier tueur psychopathe.
Ceci ne constitue que les grandes lignes d'une
partie de l'histoire, qu'il serait dommage de trop
dévoiler, et qui dessinent en arriere plan
l'image d'une societe inquiétante, dont
l'absurdité transforme certains de ses
membres les plus brillants en serial killers :
joueurs maléfiques pour qui tous les autres
sont des pions... Inquiétante, parce qu'elle
ressemble un peu trop à la notre.
L'auteur sait visiblement de quoi il parle,
quand il évoque les sciences cognitives et
l'intelligence artificielle. Et il nous
emmène loin et fort. D'autre part il a un
sens du récit et de l'écriture
remarquables. (Malgré quelques longueurs,
mais il est bien rare qu'il n'y en ait pas dans un
roman). On y trouve aussi une description un peu
folle, cruelle et pleine de paillettes d'une
vérité surprenante, de certains
milieux scientifiques. Il y a là-dedans des
idées sur l'équilibre d'un individu,
sur la construction d'une personnalité,
d'une vraie ampleur. Elles sont renforcées
par la puissance d'une histoire, qui a su exploiter
les qualités que peut avoir un bon polar :
un vrai récit avec des
événements et des personnages, un
scénario et du suspense. Ce qui manque un
peu, sur les mêmes thêmes, au roman de
Minsky et Harrison, 'Le problème de Turing'.
De la SF puissante et qui a du souffle, donc !
Et un beau cadeau pour Noel, a déconseiller
cependant aux ames trop sensibles...
Sylvie
Lainé
Ce texte © 1995
Sylvie Lainé - tous droits
réservés
Ellen C. Herzfeld
ATTENTION ! DÉVOILE CERTAINS ASPECTS
DE L'INTRIGUE
La première partie où l'on voit le
monde à travers le vécu d'un
psychotique délirant est remarquable,
parfois très drole (bon, cela dépend
de son sens de l'humour) parfois quasi
insoutenable, mais toujours très bien.
Ensuite, on passe à un autre point de
vue, celui d'un "heros" que je n'ai pas
trouvé crédible du tout. Voila un
homme qui trouve un boulot dans un domaine qui le
passionne et qui, à la première
occasion, part sur une tangente pour enquêter
sur des meurtres en série qui ne sont
finalement que des faits divers, au risque de
mettre en péril sa carrière. J'ai
donc ressenti que le personnage était soit
peu crédible, soit complètement
nunuche. D'ailleurs, le héros sait bien
qu'il est en train de faire des bêtises, il
le dit sans cesse, mais ne peut faire autrement,
tellement il est pris par son désir de
résoudre l'énigme. Pourtant, l'auteur
perd tout intérêt pour cet aspect du
problème qui part à la trappe sans
résolution à la fin. On ne sait pas
du tout ce qui s'est passé une fois qu'il a
repris contact avec son équipe et ses
supérieurs en Australie. Apparemment, pas
grand chose, mais ça aussi c'est peu
satisfaisant après toute la
préparation que l'auteur a fait sur le
sujet.
Les relations "amoureuses" du heros sont aussi
exaspérantes et contradictoires, et se
terminent d'une façon que j'ai
trouvée aussi très peu vraisemblable.
Il n'hésite pas à entrainer son
adorée dans une entreprise manifestement
très dangereuse où, si les choses
tournent mal, elle risque la mort dans des
conditions atroces. Crédible ça ?
Uniquement si le héros en question est un
imbécile. Et à la fin, il se
séparent pour des motifs que j'ai
trouvés absurdes. D'ailleurs le fait que le
héros se torture la cervelle parce qu'il a
tué un homme "de sang froid" est ridicule.
C'était un fou dangereux, une arme à
la main, qui, s'il n'a peut-être pas
tué la fillette, en a massacré nombre
d'autres et ne demandait qu'à recommencer.
La "neuromatrice", tout en étant le
personnage le plus intéressant du livre, est
aussi un "deus ex machina" d'un bout à
l'autre. L'engin donne au héros des pouvoirs
presque surnaturels : avec elle il a accès
partout, dans le monde virtuel des banques de
données et des réseaux, mais aussi
dans la réalite car elle lui ouvre coffres
et portes codées... Le genre de truc qu'on
trouve uniquement dans la SF des annees 40 ou 50,
mais qu'aucun auteur sérieux n'ose plus
faire aujourd'hui, du moins d'une facon aussi
envahissante. Dantec a du s'en rendre compte car
à un moment il met la machine en panne, et
le héros, sans son joujou, n'a plus
qu'à abandonner la partie. Heureusement, la
panne ne dure pas, car le livre se serait
terminé là.
Les "longueurs" sont des digressions sans fin
sur des considérations ésoteriques
que j'ai trouvées sans le moindre
intérêt, ni pour l'histoire ni pour
autre chose. Je ne suis pas contre les digressions,
et parfois elles sont aussi intéressantes
que l'histoire elle-même, mais là,
j'avais l'impression d'être dans une
resucée du "Matin des Magiciens". On aime ou
on aime pas, je suppose. Moi, je n'aime pas.
Vers la fin du livre, on trouve la description
des émeutes et autres folies
millénaristes dont les atrocités
rendent la quête qui est l'objet de
l'histoire plutôt insignifiante. Ce n'est
pourtant pas le message que l'auteur semble vouloir
faire passer.
Finalement, j'en retire que "les racines du mal"
se situent dans la nature de l'homme, et qu'en
extirper quelques branches ne résout rien
à long terme. Mais il est aussi possible que
je n'ai rien compris car, si je ne me suis pas
vraiment ennuyée, à partir d'un
certain point j'ai lu très vite, et j'avais
hâte d'en finir.
Ellen C. Herzfeld
Ce texte © 1995
Ellen C. Herzfeld - tous droits
réservés
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